Surnommé le Bel, comte de la Marche, 3e fils de Philippe le Bel, il succéda à son frère Philippe le Long le 3 janvier 1322, dans les royaumes de France et de Navarre, et fut sacré à Reims, le 11 février suivant.
Les opérations financières de Philippe le Bel avaient révolté les Français et enrichi quelques spéculateurs attirés d’Italie et de Lombardie ; ses successeurs, n’osant demander des subsides qu’on leur aurait refusés, cherchèrent des ressources dans la proscription de ceux qui avaient administré le trésor royal et participé à la levée des impôts. Girard la Guete, ministre des finances sous Philippe le Long, fut arrêté dès les premiers jours du nouveau règne. Il aurait été pendu, comme l’avait été, quelques années auparavant, Enguerrand de Marigny, s’il n’était mort des suites de la question qu’on lui donna.
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On se vengea sur son cadavre et sur ses biens ; on dépouilla les maltôtlers, qui furent chassés de France aussi pauvres que lorsqu’ils étaient arrivés. Ils étaient presque tous venus d’Italie, et c’est de là qu’on les nommait Lombards. Les Français applaudissaient à ces actes d’une justice un peu sévère, dans la persuasion que le monarque qui punit les spoliateurs des deniers publics ne pense pas tant à s’emparer de leurs rapines qu’à venger le peuple opprimé.
Charles le Bel ne traita pas avec moins de rigueur les mauvais juges et les seigneurs qui s’emparaient impunément du bien des particuliers. Un des principaux exemples de cette sévérité fut le supplice de Jourdain de l’Isle, qui fut livré au parlement et condamné à être pendu, après avoir été attaché à la queue d’un cheval.
Depuis qu’il était sur le trône, Charles le Bel éprouvait un vif désir d’avoir des héritiers, et il ne pouvait se rapprocher de sa femme, renfermée à Château-Gaillard, après avoir été convaincue d’adultère. Il obtint du pape la nullité de son mariage, sous prétexte de parenté ; puis il épousa Marie, fille de l’empereur Henri de Luxembourg. Edouard II, roi d’Angleterre, ne s’étant pas trouvé au sacre du roi pour faire hommage, comme duc de Guyenne, fut sommé de venir rendre hommage au roi en la ville d’Amiens, entre la Chandeleur et Pâques (1324) ; il demanda un plus long délai ; mais, pendant ce temps, quelques actes d’hostilité ayant été commis par ses troupes, Charles le fit déclarer rebelle, et envoya le comte de Valois, son oncle, pour se saisir du duché de Guyenne.
Les troupes françaises s’emparèrent de plusieurs villes ; mais les armées, d’une et d’autre part, n’étant pas assez nombreuses pour pousser la guerre vivement, la reine d’Angleterre, Isabelle, fille de Philippe le Bel, vint en France peur traiter de la paix, accompagnée du prince de Galles, son fils. Les Spenser, favoris d’Edouard II, se crurent grands politiques en éloignant cette princesse, dont ils redoutaient l’ascendant.
Elle conclut, en effet, la paix entre les deux royaumes ; mais elle ne retourna en Angleterre qu’à la tête d’un corps de troupes en état de soutenir le parti qu’elle y avait formé. La révolution fut prompte et complète ; les favoris d’Edouard II furent pendus ; lui-même périt dans la prison où on le tenait renfermé, et son fils, auquel il avait donné la Guyenne de son vivant, pour éviter de rendre hommage à Charles le Bel, lui succéda au trône d’Angleterre, conservant par sa mère des prétentions sur la couronne de France, qui causèrent de grands troubles sous le règne suivant.
Les Flamands, las du repos dont ils jouissaient, et n’ayant pas d’ennemis étrangers à combattre, se révoltèrent contre leur comte. Charles envoya quelques troupes à son secours ; le pape menaça d’excommunier les rebelles. Ils furent obligés de se soumettre et de renoncer à leurs plus beaux privilèges. Le pape avait un grand intérêt à ce que Charles le Bel fût libre de toute inquiétude, afin de suivre le projet qu’il avait formé de faire rentrer la couronne impériale dans la maison de France.
Deux compétiteurs avaient été élus à la fois, Frédéric d’Autriche et Louis de Bavière. Une bataille ayant rendu ce dernier maître de la personne de son rival, il cessa de ménager le pape, qui résolut de le déposer en réveillant l’ancienne prétention que le saint-siège avait de confirmer l’élection du roi des Romains, et de régler les affaires de l’Empire. Le parti de Frédéric d’Autriche n’était pas entièrement abattu ; on pouvait le soulever de nouveau en faveur de Charles le Bel, qui, par sa femme, Marie de Luxembourg, avait aussi ses partisans en Allemagne.
Mais cette princesse mourut, dans ces circonstances, d’une chute, qui donna également la mort à l’enfant dont elle était enceinte, et Charles n’eut que la honte et le chagrin d’une entreprise qu’il avait suivie avec plus de bruit que d’habileté. Veuf pour la seconde fois et sans enfants, il épousa, l’an 1326, Jeanne, fille du comte d’Evreux, de laquelle il eut trois filles.
La paix qu’avait conclue Isabelle ne donna pas une entière tranquillité aux peuples de Guyenne pendant le règne de Charles le Bel ; plusieurs bâtards de la noblesse de Gascogne prirent les armes de concert avec les Anglais, et, en attaquant quelques places ou domaine de la France, commencèrent la guerre qui fut appelée des Bâtards, et à laquelle mit fin le maréchal de Briquebec, qui les tailla en pièces (1326).
Charles mourut le 1er février 1328, à Vincennes, dans la 34e année de son âge, et la 7e de son règne. Ainsi, en l’espace de quatorze ans, les trois fils de Philippe le Bel, qui tenaient de leur père cette beauté mâle qui donne l’espoir d’une longue vie et d’une nombreuse postérité, montèrent sur le trône, et disparurent sans laisser d’héritiers.
La couronne passa à une branche collatérale, dans la personne de Philippe de Valois, premier prince du sang ; mais comme la veuve du feu roi se trouvait enceinte, il ne prit que le titre de
régent, jusqu’au jour où elle accoucha d’une fille. Charles le Bel a régné trop peu de temps pour que les historiens contemporains se soient prononcés sur son caractère ; on sait seulement
qu’il aimait la justice et savait se faire obéir. Ses courtisans disaient de lui « qu’il tenait plus du philosophe que du roi. »