DAGOBERT 1°


ROI DES FRANCS, né entre 602 et 605, décédé en 639, à l’âge de 36 ans. Pendant la dizaine d'années que dura son règne, il entreprit d'importantes réformes judiciaires, économiques et institutionnelles. Selon les critères en vigueur au VIIème siècle, il fut un bon roi, contrairement à ses successeurs qui dilapidèrent son héritage.

Dernier grand roi de la race mérovingienne, Dagobert était un des arrières-petits-fils de Clovis et le fils de Clotaire II qui avait réunifié le royaume franc après la conquête des royaumes d’Austrasie (nord-est de la France) et de Bourgogne. Il bénéficia d’une éducation soignée apprenant et écrivant le latin, se familiarisant avec l’histoire. A l’âge de dix ans il rejoignit la cour de son père à Reuilly dans l’est de Paris. Il y affronta une première épreuve qui forgea son caractère. A la mort de sa mère, la reine Bertrude, en 618, son père épousa sa maitresse Sichilde. La nouvelle reine conspira pour favoriser son fils Caribert, fruit caché de sa liaison secrète avec Clotaire. Sans doute rêvait-elle d’un destin royal pour son fils au détriment de Dagobert. Le roi, par naïveté ou par calcul politique, céda à ses demandes et dans un premier temps mit sur un pied d’égalité  l’héritier du trône et son fils bâtard. Cette première victoire aiguisa l’appétit de  l’intrigante. Aidé de son frère Brodulf, elle entreprit d’éloigner Dagobert de la cour. Elle convainquit Clotaire II d’envoyer son fils aîné en mission dans les provinces de l’ancienne Gaule romaine. Ces voyages éloignèrent Dagobert du cœur politique du royaume, là où se prenaient les décisions importantes. Mais, ils lui permirent de rencontrer les vassaux du roi et de se familiariser avec les questions administratives et les problématiques économiques. Ces expériences lui seront utiles plus tard.


                                             NAISSANCE DE LA FEODALITE

De retour à la cour en 622, il incita son père à accorder des immunités à tous les propriétaires fonciers qui s’opposaient à l’intrusion sur leurs domaines des seigneurs du royaume. On leur reconnut le droit de refuser de leur payer des taxes et de leur livrer une partie des récoltes. En un mot, ils pouvaient contester les lois de leurs maîtres. Désormais, un seigneur qui recevait l’hommage d’un guerrier ou d’un chef moins puissant  ou d’un féal devait en contrepartie s’engager par serment à le protéger et à lui fournir des avantages. Les abus de pouvoir commis par les puissants diminuèrent. En revanche, l’autorité du roi, garant du nouveau code seigneurial, augmenta. Dagobert incita son père à réformer également le droit de propriété du sol, pour augmenter la production agricole. Les propriétaires terriens pouvaient concéder l’exploitation des terrains cultivables, et trop souvent en jachère, à des paysans libres, pendant une période déterminée. Ces derniers, en échange de l’entière disposition des récoltes, devaient entretenir les parcelles et les amender.

 En 623, les seigneurs d’Austrasie invitèrent Clotaire II à venir s’installer dans leur territoire. Ils jalousaient leurs voisins de Neustrie où s’était établie la cour. Le roi refusa. Mais, craignant de ranimer leurs revendications indépendantistes et pour calmer leur colère, le roi, conseillé par Brodulf, nomma son fils vice-roi d’Austrasie et l’envoya régner en son nom à sa place à Metz et à Trêves. Dagobert conseillé par des évêques mena une importante politique de réformes. Il améliora la justice pour la rendre plus égalitaire entre les catégories sociales. Il renforça les droits des accusés et créa la possibilité pour un condamné de faire appel du jugement. En 626, un grave conflit opposa Dagobert à son père. Un prince bavarois qui possédait des terres près de Trêves refusait de payer l’impôt et combattait ouvertement l’autorité du vice-roi et de ses vassaux. Dagobert décida de l’arrêter et de le juger. Le Bavarois se réfugia à Paris et demanda le soutien de Clotaire II qui le pardonna. Dagobert passa outre et fit assassiner l’homme qui l’avait défié. Clotaire II demanda à son fils de se repentir officiellement. Non seulement Dagobert refusa se faire amende honorable mais il revendiqua le droit de gouverner l’Austrasie, avec le titre de roi. Une assemblée de douze Grands du royaume accepta sa demande. Il devint roi d’Austrasie, moins l’Aquitaine et la Provence. En contrepartie, Dagobert reconnut la primauté de son père et consentit à épouser Gomatrude, la sœur de la reine Sichilde, son aînée d’une dizaine d’années.


UN ROYAUME CENTRALISE

En octobre 629, Clotaire II décédait subitement à Paris, à l’âge de 45 ans. Dagobert accourut dans la capitale pour les obsèques de son père et pour recevoir la couronne royale. Brodulf lui révéla qu’avant de mourir Clotaire II avait légué le royaume des Francs à  son demi-frère Caribert. Selon le frère de la reine Sichilde, deux témoins dont le maire du palais pouvaient confirmer ses dires. Dagobert les convoqua sur le champ et n’eut aucun mal à les démasquer. Devant la cour réunie, il affirma ses droits sur le trône. Il chassa Brodulf. Caribert renonça à régner sur le royaume des Francs. Il obtint en guise de consolation l’Aquitaine. En 630, Dagobert répudia l’épouse que lui avait imposée son père. Il étendit à tous le royaume les réformes engagées en Austrasie. Paris resta la capitale du royaume. Entouré de conseillers compétents et loyaux, il développa l’administration royale en nommant dans les provinces des comtes chargés de le représenter et de gouverner en son nom. Il centralisa la frappe de la monnaie qui devint de facto un monopole de l’Etat. Il unifia les statuts juridiques des populations gallo-romaines et franques. Il développa l’éducation et les arts. Il favorisa la fondation des nombreuses abbayes.

 En 631, il signa un traité de « paix perpétuelle » avec Héraclius, l’empereur romain d’Orient, l’Etat le plus puissant à l’époque. Après la mort de Caribert en 632, il réintégra l’Aquitaine dans le royaume franc enfin réunifié. Les années suivantes, sur le plan intérieur, il lutta contre les revendications autonomistes de certaines provinces et s’opposa aux prétentions des seigneurs de partager le pouvoir avec lui. Une doléance constante pendant les douze siècles d’existence de la monarchie. Sur le plan extérieur, il noua des liens d’amitié avec ses voisins saxons et lutta contre les Gascons, les Bretons et surtout les Slaves qui menaçaient ses frontières de l’est. En 639, Dagobert affaibli par une dysenterie chronique, mourut à l’âge de 36 ans. Il laissait un royaume uni à ses deux fils, Sigebert, 8 ans, et Clovis, 4 ans. Les maires du palais s’emparèrent alors du pouvoir et précipitèrent la fin des Mérovingiens et ouvrirent une période de désordres longue de plus d’un siècle.

Un bon…roi

La notoriété de Dagobert 1er persista jusqu’à XVIIIème siècle. En 1750, un humoriste créa la chanson parodique Le bon roi Dagobert. Au tout début de la Révolution française, des opposants à la monarchie  ajoutèrent des paroles moqueuses dont chacun se souvient. Qui n’a pas chanté le premier couplet ?

Le bon roi Dagobert

A mis sa culotte à l'envers ;

Le grand saint Éloi

Lui dit : Ô mon roi !

Votre Majesté

Est mal culottée.

C'est vrai, lui dit le roi,

Je vais la remettre à l'endroit.

Il s’agissait d’une bouffonnerie qui visait en réalité Louis XVI que l’on n’osait pas nommer ouvertement mais dont le peuple connaissait la maladresse. Une seule chose était vraie : Dagobert fut un bon roi…selon les critères en vigueur au VIIème siècle.