Henri II

(né le 31 mars 1519, mort le 10 juillet 1559)

(Roi de France : règne 1547-1559)

Fils de François Ier et de Claude de France, il naquit à Saint-Germain en Laye le 31 mars 1518, et parvint à la couronne le 31 mars 1547, à l’âge de vingt-neuf ans. Il fut sacré à Reims le 25 juillet suivant. La duchesse d’Etampes, dont le crédit s’était soutenu jusqu’à la mort de François Ier, n’avait pas dissimulé la haine que lui inspirait Diane de Poitiers, maîtresse de Henri II. Celle-ci s’en vengea lorsque son amant devint roi.


Henri II (1547-1559)
Henri II (1547-1559)

Il se fit un grand changement à la cour ; les ministres qui étaient en place furent renvoyés ; on rappela ceux qui étaient tombés en disgrâce sous le règne précédent. La précipitation qu’on mit dans ces mutations a été remarquée par tous les historiens, parce qu’elle offre une occasion d’accuser le monarque de s’être montré trop soumis aux désirs de la duchesse de Valentinois. Il est incontestable cependant qu’en général les affaires furent conduites avec plus d’ordre, de suite et de vigueur.


Henri II, après son couronnement, alla visiter la plupart des provinces de son royaume, afin de connaître par lui-même les abus auxquels il fallait remédier, et ressources qu’il pourrait avoir pour lutter contre l’ascendant de Charles-Quint, alors dans tout l’éclat de la prospérité. Brave, aimé de la noblesse, Henri récompensait généreusement, ne permettait aucune raillerie lorsqu’il était en gaieté, aucune parole offensante lorsqu’il était mécontent. Aussi fut-il toujours servi avec zèle ; et, quoiqu’on lui ait reproché d’accorder sa confiance avec trop de facilité, il resta toujours le maître entre les Guise et les Montmorency, qu’il sut employer avec un égal succès. François Ier avait introduit les femmes à la cour : Henri suivit l’exemple de son père ; et cet usage s’établit dans toutes les cours de l’Europe.


C’est aussi de cette époque que datent les mémoires particuliers, les anecdotes politiques, et l’habitude prise par les plus graves historiens d’attribuer les plus hautes résolutions à de petites intrigues. En 1548, il y eut en Guyenne des révoltes, qui furent apaisées avec beaucoup de fermeté. L’année suivante, Henri déclara la guerre aux Anglais, qui refusaient de rendre Boulogne, ainsi qu’ils en étaient convenus par le dernier traité fait avec François.


La paix fut bientôt rétablie entre les deux royaumes, et Boulogne revint à la France. En 1551, il s’élève entre le pape et le roi des discussions sur les duchés de Parme et de Plaisance : les hostilités commencent en Italie ; le pape réclame l’assistance de l’empereur Charles-Quint. Le roi défend, par un édit, d’envoyer de l’argent à Rome pour les bulles, et porte en même temps une loi sévère contre les luthériens. Brissac soutient l’honneur des armes françaises dans le Piémont ; le maréchal de Thermes se conduit avec habileté dans le Parmesan : mais, comme il n’y avait point de guerre solennellement déclarée entre l’empereur et le roi, il se fait en Italie une suspension d’armes.


Toutes les pensées se tournent vers l’Allemagne, où les princes protestants venaient de former une ligue pour défendre leurs libertés. Henri, s’en étant hautement déclaré le protecteur, marche à leur secours, et prend Toul, Metz et Verdun en 1552 ; mais, ayant appris que les impériaux étaient entrés en Champagne, où ils causaient de grands ravages, il revient sur ses pas, les attaque, les chasse et les poursuit jusque dans le duché de Luxembourg.


Les princes protestants, profitant de l’humiliation qu’éprouve Charles-Quint par la prise de trois villes impériales, et du désir ardent qu’il montre d’en tirer vengeance, font la paix avec lui sans le consentement du roi, qui reste seul chargé du poids de la guerre. Charles, à la tête d’une armée nombreuse, entre en Lorraine, et assiège Metz, dont les fortifications étaient en mauvais état ; mais François de Lorraine, duc de Guise, qui venait d’être nommé commandant de l’armée française, s’était jeté dans la ville, accompagné de l’élite de la noblesse.


Par son courage, son activité, sa prudence, il ruine l’armée de l’empereur, le force à lever le siège, et, pour qu’il ne manque rien à sa gloire, devient le protecteur, le père des soldats allemands que Charles avait été obligé d’abandonner en se retirant. L’empereur, croyant réparer la honte de sa défaite, pille la Picardie, et prend la ville de Thérouanne, qu’il détruit de manière à n’en pas laisser de traces : faible dédommagement, qui ne satisfait la colère des princes belliqueux qu’en souillant leur gloire.


Cette conduite barbare de Charles-Quint alluma le vengeance des Français, qui ravagèrent le Brabant, le Hainaut, le Cambrésis, et formèrent, en 1554, le siège de Renti. Les impériaux livrèrent, près des murs de cette ville, un combat sanglant, dans lequel ils furent battus cependant le siège fut levé. Dans cette bataille, Henri cherchait l’occasion de combattre personnellement Charles-Quint, qui l’évita, étant trop affaibli par l’âge et les infirmités pour risquer de se mesurer avec un prince jeune et rempli de vigueur.


Les armes françaises n’étaient pas aussi heureuses en Italie, quoique Montluc y fît admirer sou courage dans la défense de Sienne ; mais ce courage même était sans utilité depuis la perte de la Toscane, d’autant plus qu’il était impossible d’attendre des secours de France. L’épuisement des puissances belligérantes aurait amené la paix, s’il eût été possible de concilier des intérêts qui embrassaient une partie de l’Europe.


Dans l’impossibilité réciproque de continuer la guerre avec quelque vigueur, on conclut, pour cinq ans, une trêve, qui fut signée à Vaucelles le 15 février 1556, et qui ne surprit que le pape, qui l’avait proposée dans l’espérance qu’elle serait refusée par Henri II. La même année, Charles-Quint abdiqua l’empire en faveur de son frère Ferdinand, déjà roi des Romains ; il remit la souveraineté de ses royaumes à Philippe II, son fils, et se retira dans un couvent de la province d’Estramadure, où il mourut le 21 septembre 1558.


Les historiens, en essayant d’expliquer les motifs de cette abdication, ont trop oublié le mauvais état de la santé de ce prince, qui, n’ayant plus la force nécessaire pour gouverner tant d’États séparés, sentait fort bien qu’il ne lui restait pas assez de temps à vivre pour rendre la paix à l’Europe. Quoique la trêve eût été signée pour cinq ans, le 5 février 1556, la guerre recommença dès l’année 1557, Philippe II étant secondé en Italie par les Farnèse et par le duc de Toscane, et en Picardie par Marie, reine d’Angleterre, son épouse.


Le duc de Guise, le héros de la France, avait le commandement de l’armée d’Italie, qui n’était guère qu’un titre ; mais on comptait sur les ressources qu’il saurait s’y procurer. L’armée destinée à protéger la Picardie fut confiée au vieux connétable de Montmorency, spécialement chargé de dégager la ville de Saint-Quentin, assiégée par Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, l’un des plus grands capitaines de son siècle, et défendue par l’amiral de Coligny.


Montmorency fit tant de fautes que sa défaite fut prévue par son armée, même avant qu’il sût lui-même s’il accepterait le combat. Aussi la bataille de Saint-Quentin, livrée le 10 août 1557, fut-elle si fatale à la France, que Charles-Quint, en l’apprenant, demanda si les Espagnols étaient à Paris. L’infanterie française fut entièrement écrasée ; l’élite de la noblesse, détruite ; le duc d’Enghien, blessé à mort, le connétable, l’amiral de Coligny, le comte de Montpensier et le maréchal de Saint-André, furent au nombre des prisonniers : les vainqueurs ne perdirent pas cent hommes.


La consternation fut si grande en France, que les maux qu’on appréhendait rendirent insensible à la grandeur des pertes qu’on venait de faire. Le roi ordonna au duc de Guise de quitter l’Italie, de revenir sans aucun délai : le duc arrive, et l’espérance renaît avec lui ; nommé lieutenant général du royaume, sa réputation lui crée une armée ; la noblesse se dispute l’honneur de marcher sous ses ordres ; les notables, assemblés par Henri II, accordent l’argent nécessaire ; en un mot, la nation entière se ranime au nom du général chargé de la venger.


Le duc de Guise marche en Picardie, trompe les ennemis par des marches savantes, fait le siège de Calais avec tant d’activité qu’il s’en rend mettre en huit jours, et réunit à la France, le 8 janvier 1558, une ville qui en était séparée depuis deux cent dix ans qu’Édouard III l’avait prise sur Philippe de Valois. On ne peut exprimer la joie que cette nouvelle répandit dans le royaume, et l’étonnement qu’elle causa en Europe.


Le duc de Guise ne se ralentit pas ; il assiège Guines, qu’il prend, et se dirige sur la forteresse de Ham, dont la garnison s’enfuit à son approche. Ainsi, en moins d’un mois, et dans la saison la plus rigoureuse, il chasse entièrement les Anglais. Depuis cette époque, l’Angleterre, renonçant aux conquêtes sur le continent chercha sa prospérité dans le commerce ; et sa marine s’accrut sans cesse, tandis que la marine française déclina, parce que sa principale destination était alors de s’opposer au débarquement des Anglais.


Le duc de Guise, devenu l’idole des Français, ajoutait à sa gloire par la prise de Thionville : Brissac se soutenait en Piémont ; le duc de Nevers prenait Charlemont et le maréchal de Thermes Dunkerque, mais celui-ci perdit peu après la bataille de Gravelines, le 13 juillet 1558. Le roi de France et le roi d’Espagne étaient également fatigués d’une guerre dans laquelle les avantages et les pertes se balançaient trop pour qu’aucun des deux pût dicter la loi.


Ils convinrent d’abord d’une suspension d’armes ; et, après de longues négociations, souvent interrompues, la paix fut signée à Cateau-Cambrésis, le 3 avril 1559 : la veille, l’Angleterre avait conclu son traité particulier. La France gagna Calais, Toul, Metz et Verdun. L’opinion énoncée par les Guise, qui avaient besoin que les hostilités continuassent pour abattre les Montmorency, a prévalu chez la plupart des historiens qui appellent la paix de Cateau-Cambrésis la malheureuse paix, parce qu’entre l’Espagne et la France on se rendit réciproquement les places que l’on s’était prises, et que le duc de Savoie obtint la restitution de ses États. Mais, outre que les victoires des Français n’étaient pas assez décisives pour contraindre l’Espagne à des sacrifices, il ne faut pas oublier que les rois ont d’autres intérêts que celui d’acquérir, et que Henri II ne voulait pas risquer de tomber dans la dépendance du duc de Guise.


Après l’avoir élevé pour le salut de l’État, il avait besoin de la paix pour lui faire sentir sa sujétion ; ce qu’il prouva en lui refusant une grâce que le duc sollicitait comme s’il eût été injuste de la lui refuser. La paix était aussi nécessaire au roi pour rétablir ses finances, et surveiller les protestants, qui prêtaient l’autorité d’une religion nouvelle à ceux qui voulaient exciter des troubles dans l’État.


Malheureusement pour la France, ce monarque, auquel on n’a pas rendu assez de justice, fut blessé à mort par le comte de Montgomery, capitaine de la garde écossaise, dans un tournoi donné rue Saint-Antoine, pour célébrer les mariages arrêtés à Cateau-Cambrésis entre Philippe II et Élisabeth, fille du roi, entre Marguerite, sa sœur, et le duc de Savoie. Montgommery, ayant rompu sa lance, oublia d’en jeter le tronçon.


Il en frappa si rudement Henri, qu’il lui creva l’œil droit. Ce prince mourut de sa blessure, le 10 juillet 1559, dans la 41e année de son âge, et la 13e de son règne. Comme il était le second fils de François Ier, qui désirait s’acquérir des alliés en Italie, on lui avait fait épouser Catherine de Médicis, parente du pape Clément VI. Après être restée dix ans sans avoir d’enfants, elle en eut dix dans le même nombre d’années ; il en restait quatre fils et trois filles à la mort de Henri II : trois fils régnèrent successivement (François II, Charles IX et Henri III) ; tous moururent sans laisser d’enfants : ainsi s’éteignit la branche des Valois, et la couronne passa dans la maison de Bourbon.