3.
Passons maintenant à la troisième et dernière explication, l'historique, celle qui nous intéresse véritablement dans le choix par la Royauté française de cet emblème (alors que,
comme l'a fait remarquer Bainville, toutes les autres familles régnantes européennes avaient choisi des animaux sauvages et redoutables comme emblème, de l'aigle au léopard...).
La fleur de lis apparaît (sans doute pour la première fois) sur la partie supérieure du sceptre de Charles-le-Chauve (823-877), petit-fils de Charlemagne, roi de Francie
occidentale (742-814) et empereur d'Occident (800). Question : d'où vient-elle ? Interrogeons la langue. … Les rois de France sont issus de rois "francs", c'est-à-dire des
germaniques, et il est donc naturel que la langue des Francs (le francique) ait influencé le latin parlé en Gaule. Cette influence se retrouve justement dans la dénomination
"fleur de lis". Voici en effet ce qu'on lit dans la très précieuse "Petite Histoire de la Langue Française" de l'éminent linguiste et philologue Charles Bruneau (1883-1969)
: "Cette fleur, qui ne ressemble nullement à une fleur de lis, est en réalité une fleur d'iris (néerlandais) "lisbloem", francique "lieschbloem"). Dans ce mot francique, bloeme a
été traduit par "fleur", tandis que liesch, sans doute incompris, était conservé tel quel".
"...On a remarqué que la plupart des autres maisons royales ou impériales d'Europe avaient pour emblèmes des aigles, des lions, des léopards, toutes sortes d'animaux
carnassiers. La maison de France avait choisi trois modestes fleurs..." (Jacques Bainville, Histoire de France, Chapitre V, Pendant 340 ans, l'honorable famille
capétienne règne de père en fils).
Au cours des siècles, l'humble fleur fut répandue à profusion partout : monuments, étoffes et tapisseries, sculptures et statues, objets d'art, peinture...
De même que, selon le mot de Raoul Glaber, la France s'était couverte, à partir de l'an mil, "d'un blanc manteau d'églises", le royaume devint come la terre d'élection et... le
royaume du Lys. Dans leur barbarie destructrice et leur culte du saccage, les vandales révolutionnaires ne s'y trompèrent pas : la Révolution détruisit, en un rien de temps, entre
le quart et le tiers du Patrimoine français. Ce qui, du point de vue artistique, constitue de toute évidence, non seulement un crime contre la France elle-même, à travers son
Patrimoine, mais encore un crime contre l'Humanité, dont on sait qu'ils ont été déclarés imprescrpitibles. Alexandre du Sommerard, aux origines directes du Musée de Cluny, devait
écrire, hélas avec raison : "Les Vandales du Vème siècle n'ont jamais brisé tant de chefs-d'œuvre." Brûlées (pour les peintures, meubles, étoffes...), martelées (pour les pierres
des monuments, statues, sculptures...), fondues pour les oeuvres d'art (en or et argent, ou simplement en bronze ou en métal quelconque...), vendues ou, plutôt, bradées à vil
prix... les fleurs de lys virent s'acharner sur elles la rage hystériques et systématique des démolisseurs, qui savaient très bien ce qu'ils faisaient en "cassant" tout ce qui
rappelait "l'avant Révolution" : et, bien sûr, avec les signes du catholicisme, la fleur de lys était au premier rang de ces symboles.
Mais il y avait trop d'églises, trop de fleurs de lys, trop de monuments, trop de beauté(s), accumulée(s) en mille
ans de monarchie : il arriva que les révolutionnaires finirent par se fatiguer d'un si gigantesque "effort d'amnésie" par la destruction; le temps leur manqua aussi; et des
citoyens firent ce qu'ils purent, au milieu de ce déferlement de vandalisme haineux, pour sauver ce qui pouvait l'être. Ainsi s'explique que, si la France a été pour
toujours amputée d'une part inestimable de son Patrimoine, il lui en reste encore, et ce "reste" étonne encore l'univers... Quant à la fleur de lys, telle une plante qu'après un
hiver particulièrement rigoureux on aurait pu croire morte, elle continue d'orner nombre de lieux et monuments de nos paysages, et on continue de la voir un peu partout, moins
qu'avant, certes, mais où qu'on aille, dans notre "douce France", du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest.