Louis VII le Jeune ou le Pieux, l’Éveillé ou Flores


(né en 1120, mort le 18 septembre 1180)


(Roi de France : règne 1137-1180)

Né en 1120, il fut élevé dans le cloître de Notre-Dame de Paris, et surnommé le Jeune, le Pieux, l’Éveillé et Flores, c’est-à-dire fleuri (florus). Il succéda à Louis VI, son père, le 1er août 1137. Il était à Poitiers, où il célébrait par des fêtes brillantes son mariage avec Eléonore de Guyenne, et son couronnement comme duc d’Aquitaine, lorsqu’il apprit la mort de Louis le Gros. Il remit son épouse aux soins de l’évêque de Chartres, et se rendit à Paris afin de prévenir les séditions, d’autant plus à craindre à chaque changement de règne, que la couronne n’était pas encore regardée comme héréditaire et que l’obéissance était loin des mœurs de la nation.

 


En effet, comme, en passant à Orléans, il voulut donner quelques ordres, les bourgeois prétendirent que ces ordres violaient leurs privilèges, et se révoltèrent ; ainsi les communes étaient à peine formées, que déjà elles luttaient contre l’autorité royale. Dès qu’il fut arrivé à Paris, Louis convoqua une assemblée de seigneurs et d’évêques pour délibérer avec eux sur les besoins de l’Etat, et il prit les rênes du gouvernement sans se faire sacrer de nouveau, suivant l’usage reçu jusqu’alors ; ce qui ne choqua point sans doute, parce que du vivant de son père il avait été sacré par le pape Innocent II. 

 

 

 

Il fut couronné à Bourges, quatre mois après son avènement au trône. En 1142, il fit une expédition contre le comté de Toulouse, dont il chercha vainement à s’emparer comme duc d’Aquitaine. Les troubles qui régnaient en Angleterre et en Allemagne assuraient la tranquillité de la France ; mais il était dans la destinée des souverains, à cette époque, d’être agités par les papes lorsqu’ils ne l’étaient point par les grands vassaux, et les sujets de contestation se présentaient d’autant plus facilement que rien n’était réglé ni par les lois ni par les coutumes.

 

L’élection pour l’archevêché de Bourges s’étant faite sans prendre le consentement du roi, Louis ordonna aux chanoines de procéder à une élection nouvelle ; le pape soutint l’archevêque élu et se permit de dire que « Louis VII était un jeune prince qu’il fallait instruire, et ne pas accoutumer à se donner la liberté de se mêler ainsi des affaires ecclésiastiques ».

 

Le roi, qui ne voulut point abandonner ses droits, fut excommunié, et son domaine fut mis en interdit. Le prélat, chassé de son siège, se retira auprès du comte de Champagne, Thibaut, homme doux mais ambitieux, d’une politique astucieuse, et qui fut plus d’une fois l’instrument dont les pontifes romains se servirent contre d’autres souverains. Ce seigneur appuyait alors les plaintes de la comtesse de Vermandois, sa cousine, que son époux, ministre et favori de Louis VII, avait répudiée, et il avait décidé le pape à excommunier le comte de Vermandois.

 

Louis, irrité de toutes ces contrariétés, fond sur la Champagne, à la tête d’une armée, et il oblige Thibaut à demander lui-même au pontife de lever l’excommunication fulminée contre son ministre, ainsi que l’interdit mis sur ses propres domaines. Tout paraissait arrangé et le roi avait congédié son armée, lorsque le pape lança de nouvelles foudres ; dès lors tout ce qui avait été fait ne dut plus paraître à Louis qu’un jeu de son artificieux ennemi.

 

Il reprend aussitôt les armes, et porte encore une fois le ravage dans les Etats du comte de Champagne. Ce fut dans cette occasion que, se livrant au plus funeste emportement, ce jeune monarque fit mettre le feu à l’église de Vitry, où treize cents personnes qui s’y étaient réfugiées périrent dans les flammes. La colère de Louis ne put tenir contre ce spectacle ; sa piété, justement alarmée d’une vengeance aussi terrible, lui persuada qu’il n’en obtiendrait le pardon qu’en allant au secours de la Palestine, où les chrétiens perdaient par leurs divisions ce qu’ils avaient acquis par leur courage.

 

Cette croisade, dans laquelle entra Conrad III, empereur d’Allemagne, fut prêchée par saint Bernard, auquel on offrit le titre de généralissime de l’armée ; tant était grande la prévention en sa faveur. Il avait trop d’esprit pour accepter ; et cette seconde entreprise eut, comme la première et toutes celles qui suivirent, le grand inconvénient de n’être pas conduite par un chef suprême ; condition sans laquelle toute conquête durable devient impossible.

 

L’abbé Suger, quoiqu’il eût été choisi pour régent du royaume avec Raoul, comte de Vermandois, s’opposa de tout son pouvoir au départ de Louis ; mais l’esprit du siècle fut plus fort que les conseils d’un sage ministre ; et le nombre des croisés s’éleva si haut qu’il en résulta pour l’Europe une paix générale. La trahison des Grecs, le défaut d’ensemble et de subordination, l’ignorance générale des chrétiens sur les contrées qu’ils devaient traverser, firent périr l’armée de l’empereur.

 

Louis VII s’avança au travers de l’Asie Mineure avec la sienne, battit les Sarrasins au passage du Méandre, se laissa surprendre ensuite par l’ennemi, resta presque seul sur le champ de bataille, où il se défendit contre plusieurs soldats musulmans, et ne rejoignit son avant-garde qu’à la faveur des ténèbres. Les attaques journalières des Turcs, le froid, la faim, la perfidie des Grecs, achevèrent de détruire l’armée de Louis VII, qui arriva dans Antioche avec un petit nombre de soldats le 19 mars 1148.

 

Il entreprit sans succès le siège de Damas, et environ un an après il s’embarqua à Saint-Jean d’Acre dans les premiers jours de juillet 1149, relâcha en Calabre le 29 juillet, puis à Rome, où il passa quelques semaines près du pape Eugène III, qui dissipa les préventions qu’on avait inspirées au monarque sur Suger. Il aborda enfin dans le courant d’octobre à Saint-Gilles avec une suite composée de deux ou trois cents chevaliers. Il était sorti de Metz pour la croisade, vingt-huit mois auparavant, à la tête de plus de 150 000 pèlerins.

 

La reine Eléonore, qui avait accompagné Louis, donna pendant celle longue et pénible expédition beaucoup de sujets de mécontentement à ce prince ; elle se plaignait hautement d’avoir trouvé en lui un moine, et non pas un époux. Elle fut soupçonnée d’avoir pris de l’amour pour Raimond d’Antioche, et même pour un jeune Turc nommé Saladin. Le roi crut devoir la répudier à son retour ; et le prétexte banal de parenté servit à motiver le divorce. N’ayant d’elle que deux filles, il lui rendit la Guyenne, qu’elle apporta six semaines après en dot à Henri II, duc de Normandie, qui fut plus tard roi d’Angleterre.

 

Après la mort de Suger, le divorce fut prononcé le 18 mars 1152, par un concile, à Beaugency, en présence de la reine qui fut renvoyée à l’instant même. Louis a été blâmé de la plupart des historiens pour s’être séparé d’Eléonore ; il est certain que, par le nouveau mariage qu’elle contracta, les rois d’Angleterre virent leurs possessions en France s’accroître à tel point qu’elles cernaient de toutes parts les domaines du roi ; mais dans les choses qui tiennent de si près à l’honneur, il n’est facile qu’à ceux qui sont tout à fait désintéressés de n’écouter que la politique.

 

Suger eut raison de s’opposer au divorce ; le roi n’eut peut-être pas tort de séparer d’une femme qui le méprisait ; il ne pouvait la renvoyer sans lui rendre sa dot, car aussitôt tous les grands vassaux ne seraient armés pour l’amener à cet acte de justice. Cependant l’acquisition de la Guyenne et du Poitou ne fut pas si favorable aux rois d’Angleterre qu’on a l’habitude de le répéter : dès qu’ils furent assez puissants pour se faire redouter des seigneurs français, ceux-ci furent plus dévoués à leur roi : c’est ce qui explique pourquoi Louis VII et Philipte-Auguste, son fils, résistèrent plus aux monarques anglais qu’aucun de leurs prédécesseurs.

 

En 1155, Louis épousa Constance, fille d’Alphonse, roi de Léon et de Castille ; cette princesse perdit la vie au mois de septembre 1160, en accouchant d’une fille ; c’était la quatrième que le roi avait de ses deux femmes. Il était sans héritier ; l’inquiétude devint si grande dans sa cour qu’il se décida dès le mois suivant à épouser Adélaïde, fille de Thibaut, comte de Champagne, qui était mort son ennemi ; cette alliance lui acquit les services d’une famille puissante.

 

Ce ne fut que cinq ans après, en août 1165, que la reine accoucha d’un fils, qui reçut le nom de Philippe, et le surnom de Dieudonné, parce qu’on crut l’avoir obtenu du ciel par des prières et des aumônes ; ses hauts faits lui ont acquis dans la postérité le titre d’Auguste. Henri II, roi d’Angleterre, était actif, ambitieux, plus politique qu’aucun prince de son siècle ; il avait trop d’intérêts à démêler avec le roi de France pour que la guerre n’éclatât pas souvent entre eux : dans l’impossibilité de conclure la paix et de continuer les hostilités, on fit des trêves, dont le plus léger mécontentement provoqua la rupture ; mais, malgré ses talents et sa puissance, Henri ne remporta aucun avantage décisif, et plusieurs fois il fut obligé de s’humilier et de se reconnaître vassal du roi de France.

 

En 1158, le monarque anglais vint à Paris, où Louis, voulant le recevoir le plus dignement qu’il lui était possible, lui céda son palais et alla loger lui-même au cloître Notre-Dame. Quatre ans plus lard, ces deux princes, qui vivaient encore en bonne intelligence, se rendirent ensemble jusqu’à Toucy-sur-Loire, au-devant du pape Alexandre III, que les deux monarques conduisirent à sa tente, marchant à côté de lui et tenant à droite et à gauche la bride de son cheval.

 

Louis, qui avait eu tant à se plaindre des prétentions exagérées des ecclésiastiques, soutint contre le roi d’Angleterre Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, homme étonnant par la fermeté de son caractère, et qui fut le fléau de Henri. Lorsque ce prince vit ses enfants et sa femme Eléonore d’Aquitaine révoltés contre lui, il attribua ses malheurs à la conduite qu’il avait tenue avec Becket, et alla lui-même en habit de pénitent, pleurer sur le tombeau de l’archevêque.

 

Louis VII secondait les fils de Henri, suivant en cela la politique des rois de France ; mais il avait un motif personnel pour soutenir Richard, l’un deux, qui devait épouser sa fille Alix, depuis longtemps en Angleterre. Henri promettait toujours de terminer ce mariage, et le retardait sans cesse, parce qu’étant amoureux d’Alix, il avait abusé de sa jeunesse pour la séduire ; et l’on présume avec raison que cette intrigue fut la cause de l’ardeur avec laquelle Éléonore soutint la révolte de ses enfants contre leur père.

 

Louis VII mourut à Paris le 18 septembre 1180, à l’âge de 60 ans, dans la quarante-quatrième année de son règne. Il était tombé en paralysie dès l’année précédente, en revenant d’Angleterre, où il était allé prier sur le tombeau de Saint-Thomas de Cantorbéry, pour obtenir la guérison de son fils Philippe, dangereusement malade ; il ne fut pas plus de six jours hors de France, et à son retour, ayant trouvé le jeune prince entièrement rétabli, il se hâta de le faire couronner et le maria quelques jours après avec Isabelle, fille du comte de Hainaut.

 

Quoique Philippe n’eût alors que quatorze ans, il gouverna pendant la vie de son père, et déploya tant de vigueur contre quelques vassaux qui croyaient le moment favorable pour se révolter, qu’il fut dès lors facile de prévoir ce qu’on devait attendre de lui. Louis VII a laissé la réputation d’un prince juste, libéral, brave de sa personne, mais simple dans sa conduite, et incapable de suivre les entreprises auxquelles il se livrait volontiers.

 

Sa piété fut d’autant plus respectable, qu’elle ne l’empêcha point de défendre les droits du trône contre les usurpations des papes, et qu’elle arrêta la violence de son caractère, violence extrême, si l’on en juge par les premiers actes de son gouvernement. Il s’acquittait avec beaucoup d’exactitude de ses devoirs de religion, et passait une grande partie de son temps à l’église.

 

Lorsque Becket vint en France, le monarque dit aux députés que le prélat lui adressa : « Il est bien étonnant que le roi d’Angleterre ait oublié ces paroles du Psalmiste : Mettez-vous en colère et ne pêchez pas. - Sire, lui répondit un des députés ; Il s’en serait peut-être souvenu s’il l’avait ouï chanter à l’office aussi souvent que Votre Majesté. »

 

Un trait de sa vie mérite d’être conservé et le fait mieux connaître que tous les jugements portés par les historiens. Quand l’armée française eut été défaite par les Sarrasins, non seulement il prodigua ses trésors aux commandants et aux soldats qui avaient tout perdu ; mais sentant le besoin d’un chef unique, il assembla les seigneurs, leur fit ma proposition d’en élire un, et ajouta : « Moi-même, je serai le premier à donner l’exemple de l’obéissance, et je prendrai sans répugnance le poste qu’on m’assignera. » L’armée nomma Gilbert, simple gentilhomme ; et Louis obéit, ainsi qu’il s’y était engagé, quoiqu’il ne le cédât en bravoure à aucun de ses compagnons.

 

Il fut enterré à l’abbaye de Barbeaux, près de Melun. En 1366, Charles IX fit ouvrir son tombeau ; le corps était conservé ; il avait des anneaux d’or aux doigts, et au cou une chaîne d’or, dont le monarque et les princes qui étaient présents s’emparèrent pour les porter en son honneur. Le 1er juillet 1817, les cendres de Louis VII ont été transportées de l’abbaye de Barbeaux, où elles étaient encore, à l’abbaye de Saint-Denis.

 

Le nombre des villes affranchies ou communes augmenta sous son règne, et la royauté s’agrandit de ma diminution de la servitude ; car, moins il y avait de serfs des seigneurs, plus on comptait de sujets directs du roi. Pour diminuer le nombre des filles publiques il défendit qu’elles portassent des ceintures dorées, comme le faisaient les femmes honnêtes ; ce qui a donné lieu au proverbe : Bonne renommée vaut mieux que ceinture dorée.